22 mars 2013
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Après l’extraction de l’ocre de Provence, voici le travail des hommes pour
obtenir les couleurs. Je vous invite à une promenade dans l’ancienne usine MATHIEU, réhabilitée aujourd’hui par la S.C.I.C. OKHRA en un « CONSERVATOIRE des
OCRES ».
Un cadre accueillant pour les visiteurs et les stagiaires.
En 1921, Camille MATHIEU fit construire l’usine qui fonctionna jusqu’en 1963.
Elie ICARD y travailla dès l’âge de 14 ans, comme laveur, mineur puis contremaître. Il supervisa le démontage
des moulins en 1954.
En 1994, véritable mémoire de l’usine, il fut sollicité pour participer à la renaissance de
l’usine. C’est grâce à lui que nous pouvons nous représenter le processus de fabrication des ocres, tel qu’en 1942.
1994 est aussi l’année de création de la coopérative OKHRA. D’abord
association, elle s’était donné pour but de faire revivre ce patrimoine. Conserver la mémoire, oui. Pas seulement ! Transmettre aussi les savoir-faire. D’où le terme
« conservatoire » plutôt que « musée ».
Toute personne, quel que soit son âge, individuellement ou collectivement, par goût ou dans un but
professionnel, peut être initiée ou se perfectionner au moyen de stages animés par des intervenants compétents. Fabriquer soi-même sa propre peinture ! Acheter toutes sortes de couleurs
d’ocre, du matériel de peinture, des livres. Recevoir éventuellement des conseils pour créer sa propre coopérative…etc.
En 2005, l’association est devenue Société Coopérative d’Intérêt Collectif. Elle reçoit 30 000 visites par
an et dispense 300 journées de formation.
Mais, reculons de quelques dizaines d’années pour comprendre ce que fut le travail des ocriers.
Nous entrons par l’arrière de l’atelier de l’ocre jaune où nous reviendrons plus tard. La
visite est soit guidée, soit libre. Le parcours nous emmène sur les lieux qui correspondent aux différentes étapes du travail.
Le vieux magasin.
Le parcours se divise en deux parties : la première concerne le traitement des blocs
bruts d’ocre, après leur extraction des mines ou des galeries à ciel ouvert. La deuxième nous conduira dans les ateliers où se passait la transformation de l'ocre en produit fini et son
acheminement vers la clientèle.
On commençait d'abord par broyer et laver les blocs composés en grande partie de sable
pour en extraire l'ocre, dans le malaxeur ci-dessous.
Puis, la « boue » obtenue était envoyée dans la rigole suivante appelée "batardeau"où elle était
arrêtée brusquement, ce qui créait des remous destinés à empêcher sable & ocre de se ressouder. Là, le sable, plus lourd, se déposait. L'ocre plus légère restait en suspension dans
l'eau.
Le moment venu, l’ouvrier enlèvait les « bouchons » de bois en commençant par le haut, pour permettre
à l’ocre de s’écouler dans le "reposoir". (Bassin plus petit qui permettait de purger l'ocre, des résidus de sable les plus fins).
Dans la phase suivante, l’ocre était dirigée dans un bassin de décantation, durant l'automne et l'hiver où elle
se déposait pendant la nuit. Le matin, les ouvriers retiraient les bouchons et l'eau était récupérée en contrebas. Au printemps, ils pré-découpaient les mottes. Enfin, au début de l'été,
les mottes étaient extraites et mises à sécher au soleil. Le site est maintenant très ombragé, mais il faut l'imaginer sans arbres, car il fallait un maximum de soleil !
Une fois sèches, les mottes étaient acheminées vers le four. L’action chimique de la température joue un
rôle dans l’obtention des couleurs. C’est pourquoi il y avait une usine pour l’ocre rouge et une pour la jaune.
Voici le four. La photographie suivante montre les ouvriers au travail, en
train de préparer la cuisson.
L'ouvrier plaçait les mottes en
quinconce. Cette opération occupait beaucoup de main d'oeuvre, comme on peut le voir.
L’usine du jaune. Ici, l’ocre allait subir toutes les phases : du broyage à l’empaquetage. Elle quittait
alors l’usine pour être envoyée aux acheteurs du monde entier.
Schémas du broyage et du tamisage, indispensables, vu l’état des vestiges des machines !
Une fois conditionnée, l’ocre quittait l’usine en chemin de fer...
... ou en camion.
Aujourd’hui ?
De nombreux facteurs donnent à penser que l’ocre, matière naturelle, peut effectuer un retour bénéfique aux
hommes et à l’environnement.
D’une part, on voit ce qu’il en coûte de subir les excès de l’industrie chimique et du profit aveugle.
D’autre part, la recherche des moyens de lutte contre la pollution (on sait que l’ocre ne pollue pas et que les
grandes quantités d’eau nécessaires sont récupérées), la législation du travail en matière de sécurité du travail (les poussières autrefois respirées sont maintenant aspirées par des machines),
rendent l’exploitation beaucoup moins dangereuse, aujourd’hui.
Par ailleurs, l’élévation global du niveau de vie qui, malgré les crises, a transformé nos maisons et nos
villes, nous permet de nouveaux désirs d’ordre esthétique, entre autres, comme ceux de décorer, peindre nous-mêmes nos lieux de vie.
La synthèse existe déjà puisque pigments naturels et pigments artificiels ont des qualités complémentaires et
sont déjà travaillés ensemble.
Enfin, n’oublions pas que le développement de l’exploitation des ocres donne vie à une région en créant des
emplois.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans l’article précédent, vous trouverez d’abondantes informations sur le
passé, le présent et même l’avenir de l’ocre, sur le net. J’ajoute le site de la société OKHRA qui s’exprime longuement sur sa démarche, y compris sur ses
statuts. www.okhra.com