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20 mars 2015 5 20 /03 /mars /2015 17:00
Ancien puits de mine abandonné puis restauré pour témoigner, à Ronchamp
Ancien puits de mine abandonné puis restauré pour témoigner, à Ronchamp

Florissantes, les industries ne nous apparaissent pas, au premier abord, comme des lieux suggérant une quelconque émotion esthétique, tout au plus parfois nostalgique et sentimentale. C’est que dans notre culture, le travail signifie la peine.

On connait l’ancienneté du mot. En latin populaire, tripaliare voulait dire rien moins que « torturer avec le tripalium ».

Les hommes avaient cependant de l’admiration pour les savoir-faire. La proximité des termes « art » & « artisan » le montre. Depuis, la révolution industrielle du XIXe siècle est passée par là, avec son cortège d’injustices sociales flagrantes : salaires de misère, travail des enfants, malnutrition, malheurs dus aux accidents, aux maladies, etc. qui donnent l’image d’un prolétariat livrés pieds et poings liés à une bourgeoisie arrogante.

A Salins-les-bains, l'extraction du sel a duré pendant 1200 ans, avant de s'éteindre en 1962. Patrimoine mondial de l'Unesco.
A Salins-les-bains, l'extraction du sel a duré pendant 1200 ans, avant de s'éteindre en 1962. Patrimoine mondial de l'Unesco.

Pourtant, regardez comme les mineurs ont souffert – et souffrent encore, pour les vieux - de l’arrêt de l’exploitation du charbon et de la fermeture des mines. Cette « bête » qui leur prenait leur vie, leurs poumons, leur soleil, ils l’insultaient et ils l’aimaient. L’homme ne peut rester très longtemps sans admirer la grandeur de la terre, de la nature, et de l’immense part d’inconnu qu’il y a autour. Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ?

Friches industrielles : la beauté du Diable ?

Au Musée du sel de Salins-les-Bains, commune du Jura, une tapisserie, nommée « Le miracle de l’eau », dont voici un extrait, fut exécutée pour la collégiale de Salins, à Bruges vers 1501. Elle représente une procession de chanoines portant le chef de St Anatoile, dans le sous-sol du puits de la Grande saline, pour conjurer le tarissement des sources salées.

Les hommes changent le monde d’une certaine manière, mais tels des apprentis sorciers, ils n’en contrôlent pas les processus. Il leur faudra toujours s’adapter – ce qu’ils ont toujours réussi – mais les phases de transformations sont inévitablement douloureuses.

De même que Jules Vallès, enfant, aimaient voit travailler les artisans qu’il admirait beaucoup, beaucoup d’entre nous apprécient la visite des lieux modernes de travail. Assister à la fabrication des images d’Épinal, à l’embouteillage de telle marque de bière, à l'élaboration des parfums, des bonbons, des fromages…

Ouvrons le roman autobiographique de Jules Vallès, "L'Enfant", dont je cite ci-dessous, un extrait du chapitre IV, p.70, aux éditions Flammarion-Garnier.

Sous le nom de Jacques Vingtras, Vallès raconte (ce que nous appelons aujourd'hui le harcèlement moral) son enfance sans amour, même de souffre douleur, dans une famille populaire qui renie ses origines et préfère souffrir pour s'élever socialement.

Or lui, ne rêve que d'être paysan, ouvrier et n'aime que le peuple ! Dès qu'il peut échapper à la surveillance cruelle de sa mère, il se réfugie dans les rues, dont il apprécie le spectacle.

Aux portes des allées sont des mitrons en jupes comme des femmes, jambes nues, petite camisole bleue sur les épaules.
Ils ont les joues blanches comme de la farine et la barbe blonde comme de la croûte.
Ils traversent la rue pour aller boire une goutte, et blanchissent, en passant, une main d'ami qu'ils rencontrent, ou une épaule de monsieur qu'ils frôlent.
Les patrons sont au comptoir, où ils pèsent les miches, derrière les vitres : des brioches comme des nez pleins, et des tartelettes comme du papier mou.

Friches industrielles : la beauté du Diable ?
Friches industrielles : la beauté du Diable ?

Voilà pourquoi – j’y viens! – nous sommes émus des ruines, qu’elles soient d’empires, de civilisations, et d’usines. Aujourd’hui, on visite tout autant les aqueducs romains comme le Pont du Gard que les musées d’art et traditions populaires, et les friches industrielles. On peut même se demander si, quand on emmène les enfants dans les zoos, on ne se dépêche pas d’aller contempler ces magnifiques et touchants animaux, avant qu’ils ne disparaissent, à leur tour.

Friches industrielles : la beauté du Diable ?

Au nord d’Épinal, la célèbre ville des images du même nom, le beau temps en cette fin d'été, nous incite à voyager par le chemin des écoliers. J'adore les errances touristiques. Pourquoi ne pas tourner à droite, à la recherche d'un petit coin sympathique pour déjeuner?

- Tu connais Thaon-les-Vosges?

- Jamais entendu parler! J'ai beau être lorrain d'origine, j'ai si peu vécu en Lorraine!...

- Raison de plus pour y aller! Allez, on tourne!

Quelle surprise de voir un grand parc ombragé, affublé d'un drôle d'édifice, pas vraiment un château, bien propret, comme sorti d'un conte !

Notre attention est attirée par un second édifice au loin. Un autre « château » ? Non ! Celui-là à des cheminées d’usine. Il s’agit d’une usine désaffectée. Ses vitres sont cassées, ses murs lépreux. Sous le ciel bleu, pas une âme, pas un bruit, pas le moindre signe de vie. C’est un cimetière sans tombes, sans noms. Et pourtant, il émane de ce lieu une tristesse poignante et quelques chose de beau, d'indéfinissable, mais qui inspire le respect et force l’admiration.

 

 

Friches industrielles : la beauté du Diable ?
Friches industrielles : la beauté du Diable ?
Friches industrielles : la beauté du Diable ?
Friches industrielles : la beauté du Diable ?
Friches industrielles : la beauté du Diable ?
Friches industrielles : la beauté du Diable ?
Friches industrielles : la beauté du Diable ?

Longeant l'usine, une promenade bordée d'arbres, appelée "mail" en français (et non "mèl"), où nombre de passants endimanchés ont dû profiter des beaux jours.

Friches industrielles : la beauté du Diable ?

La Rotonde. Ce bâtiment en forme de croix de Lorraine, vu d’avion, est aujourd’hui un des fleurons de la vie culturelle de Thaon et de la Lorraine du Sud, grâce au partenariat actif de la ville d’Épinal.

Sauvé de la ruine à la suite du déclin de la célèbre entreprise, réhabilité en 2007/2009, il avait été créé en 1913 par Armand Lederlin, directeur de la Blanchisserie Teinturerie Thaonnaise, avec la vocation d’être un foyer social pour accueillir de nombreuses activités tant sportives que culturelles avec salle de réception, gymnase, théâtre.

Ci-dessous, une stèle à la mémoire de celui qui fut également maire de la ville de 1884 à 1919.

Friches industrielles : la beauté du Diable ?
Friches industrielles : la beauté du Diable ?

Ainsi se termine cette évocation du charme trouble des témoins du travail passé des hommes et de leur capacité à faire renaître des ruines, un avenir.

Ces photos ont été prises par mes soins en septembre 2014.

Vous obtiendrez plus de détails sur la ville de Salins-les-Bains et son musée du sel, en consultant le site :

http://www.salins-les-bains.com/

http://www.salinesdesalins.com/

Sur la ville de Thaon, le site suivant propose, entre autres, une visite virtuelle de la Rotonde :

http://www.thaon-les-vosges.com/Home/La-Rotonde/Son-histoire/Historique-de-la-Rotonde

Merci de votre attention et de vos messages.

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