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28 mars 2015 6 28 /03 /mars /2015 00:04
Quand on est vieux, on a le temps de se promener !
Quand on est vieux, on a le temps de se promener !

« Tu n’es plus dans le coup ! »

Tout est dit !

En général, sauf à plaisanter, on n’adresse jamais cette phrase définitive -« plus » !- à une jeunesse de vingt ans ! La recevoir, même si elle sort de la bouche de sa petite fille chérie qui n’en mesure pas -forcément !- la portée ravageuse, a de quoi vous plonger dans les affres du désespoir.

Oui, c’est bien d’un sujet grave dont il s’agit, cependant.

Vous le connaissez bien –Cette chose que l’on porte en soi, programmée de tout temps, avant même notre naissance, et qui s’appelle la Vie ! Drôle d’histoire, la vie ! Drôle de plaisanterie, dont nous faisons les frais, avec son calendrier : la naissance, la jeunesse, la maturité, la vieillesse et la « disparition », bel euphémisme pour ceux que les vrais mots rebutent !

Les photinias du château de Lérens.
Les photinias du château de Lérens.

Dans ce court roman, Amélie Plume se penche sur le vieillissement et la mort.

Comme nous tous : il y a un âge où l’on sait que l’on ne va pas perdre d’autres dents de lait !

Oh ! Me direz-vous, voilà un sujet bien cafardeux ! N’avez-vous rien de plus gai ? Justement, si !

Il n’y a rien de plus léger et gai que notre rencontre avec son héroïne et narratrice Lily Petite.

Comme les mains d’une pianiste effleurent le clavier, elle évoque son passé par petites touches, et raconte comment elle « gère », le mot est laid, mais il est bien dans l’air du temps, ses dernières années.

Lucide, on ne peut l’être plus. Mais, il ne s’agit pas d’une lucidité triste, implacable, paralysante. Plutôt une lucidité riche d’optimisme et d’humour. Elle porte un regard détaché sur la vie, son entourage, sur elle-même et elle pratique une autodérision jubilatoire.

Aux funérailles d’un ancien mari, elle se demande ce qu’il penserait s’il se voyait.

« Le pire, défiler devant le cercueil au son de l’Adagio d’Albinoni mal enregistré. Navrant. Pour Réjean il aurait fallu une chanson de Félix Leclerc, Moi mes souliers, il adorait. Un dernier adieu à notre cher disparu, ou pire à la dépouille comme ils disent (…). Se retrouver dehors, hébétés, avec une mine d’enterrement, et balbutier : - C’est quand même triste- même à son âge- un bel âge- enfin on y passe tous- à chacun son heure- c’est la vie ! En quelques minutes le thème est épuisé, les visages s’animent discrètement – Et toi comment vas-tu ?- belle lurette- oui, depuis l’enterrement de – de qui ? – je ne sais plus- comme le temps passe- drôle de cérémonie, était-il croyant- non sa femme l’est ! A vous décourager de mourir. »

Lys sauvages et mimosa.
Lys sauvages et mimosa.

Lys sauvages et mimosa.

Lily se laisse aller au fil de questions qui s’immiscent dans sa pensée errante. Une vieille dame a-t-elle encore des choses à découvrir ? des désirs et des rêves à accomplir ?

Elle oscille entre son attirance pour le moment présent... Il est temps ! Finis les soucis du métier – elle était journaliste et la voilà qui a horreur des mots ! Elle s’est tant épuisée à chercher le mot juste, dans dictionnaires et grammaires pendant des heures, « au point d’avoir froid aux pieds » ! ... et son envie de contrôler sa vie jusqu'au bout.

Aussi, devant les fleurs qu’elle adore, pas question de les décrire ! Elle les photographie. Clic ! Il faut dire qu’elle les admire, pas seulement pour leur beauté, mais pour leur opiniâtreté à être elles-mêmes, vivantes, à accomplir leur vie, sans se poser les mille questions qu’un humain se pose en avançant dans la vie, comme à tâtons et jamais sûr de rien.

Et notre héroïne d’évoquer ses questions personnelles :

« J’ai toujours avancé dans un buisson de broussailles, de questions, sans voir d’où venait la lumière, dois-je épouser Edouard ? dois-je écrire ? devenir journaliste ? avoir un enfant ? (…) quitter Edouard ? (…) quitter Genève ? (…) dois-je m’engager avec Oscar, à soixante-quatre ans ? m’installer avec Oscar au soleil, à cinq cents kilomètres de chez moi, de ma fille, de mes petits enfants ? Des questions qui n’en finissent apparemment jamais. Qu’est-ce que fleurir, resplendir et se faner pour un humain ? pour une vieille dame comme moi ? J’aimerais bien l’apprendre avant qu’il ne soit trop tard. », écrit-elle, page 12.

Bormes-les-Mimosas.
Bormes-les-Mimosas.

Que vit une fleur qui se fane ?

« Une vieille dame comme moi a-t-elle encore des saveurs à découvrir, des raisons d’aimer la vie, sa vie, des raisons de rêver, de désirer vivre ? »

Son dernier amour…

Pas question de se gâcher la vie et les sentiments avec cette fusion tant désirée par les jeunes couples. Une fois l'âge bien entamé, on ne souhaite plus se rencontrer que pour les bons moments, ceux que l’on est capable de partager. Vivre les plaisirs des désirs communs et que chacun vive ses différences, sans les imposer à l’autre. Garder à l’esprit que « le bonheur des uns n’est pas celui des autres ».

Bien sûr, la voiture d’Oscar est trop grande et trop vieille maintenant, il la raye un peu de temps en temps à droite, à gauche ! L’essentiel est que sa fille ne s’en aperçoive pas, car « on l’entendrait crier jusque sur l’île de Porquerolles – Enfin Maman, quelle folie ce vieux clou, achetez une petite voiture pratique, solide, quelle insouciance et si vous aviez un accident et quand vous ne pourrez plus conduire que deviendrez-vous tout seuls dans cette maison sans voiture ? »

Sa fille très prévenante n’a-t-elle pas davantage besoin de se rassurer sur le sort de sa mère que de la voir vivre sa vie ? en l’occurrence ici, sa vie de vieille dame ?… Les enfants, ne tarissent pas de bons conseils pour leurs vieux parents. Sans doute ont-ils peur de les perdre et l’on devine, non dit et sans doute inconscient, le désir de les protéger à tout prix, sans voir qu’ils les enferment derrière les murailles du pire et ultime conformisme : vivre selon les comportements admis et exigés des personnes âgées. Ils ne voient pas sans doute qu’ils les condamnent à l’infantilisme donc au gâtisme.

La plage de l'Argilière. Au bout, le fort de Brégançon.
La plage de l'Argilière. Au bout, le fort de Brégançon.

La plage de l'Argilière. Au bout, le fort de Brégançon.

Voici ce qu'aurait pu penser Lily !
Voici ce qu'aurait pu penser Lily !

Rejoignons Lily Petite. Elle adore les fleurs. Elle préfère les photographier plutôt que les décrire avec des mots. Oui, mais, une chose qu’elle ne peut éviter : les nommer. Or là… les choses se gâtent. Si Lily n’a aucun problème avec les « classiques » : mimosa, jasmin… l’euryops, la grevillea, l’hardenbergia, etc. sont de désespérants casse-tête. Elle entend déjà sa fille lui dire :

« Attention Maman, ta mémoire fout le camp ! (…) Fais des exercices ! »

Lesquels ? Répéter inlassablement les noms ? Les recopier ? Inventer une comptine ? Procéder par association de mots ? La voilà qui cherche cette dernière recette.

La grevillea donne « grève il y a »

L’hardenbergia donne « ardents bergers »

Pour l’euryops, elle ne trouve pas mieux que « eurêka »

Mais l’ensemble la satisfait énormément et nous par la même occasion : « Eurêka, grève il y a, ardents bergers ! "

La méthode semble efficace, à la condition de n’avoir pas trop de mots nouveaux à retenir ! Il y a fréquemment le danger de perdre le lien entre les mots et les aides, et de ne se souvenir que des aides !

La plage de l'Argentière où elle aimait se resourcer.
La plage de l'Argentière où elle aimait se resourcer.

Avoir le temps de prendre son temps. Profiter du besoin moindre de sommeil pour se plonger dans la lecture des pavés comme « A la Recherche du temps perdu » de Marcel Proust, « en sachant qu’on peut de nouveau envisager d’atteindre la dernière page avant d’avoir oublié la première. (…) et entre ces plats consistants, les journaux et les livres d’actualité avalés comme des bouchées de pain. »

Cependant, les funérailles de son ex-mari l’ont hantée au point qu’elle cherchait comment partir sans faire trop souffrir les êtres aimés, sans donner dans le conformisme des obsèques, ce qu’elle appelle :

« quitter définitivement le poulailler, consœurs, coqs et poussins ».

Tout comme les pressions de sa fille pour la surprotéger, la culpabiliser même, par son manque de confiance attentionné et affectueux.

« N’ai-je pas autre chose à faire, à finir, pour me consoler qu’à organiser ma mort, mes funérailles et à vouloir gouverner l’état d’âme de ceux qui suivent le convoi ? », finit-elle pas penser.

« Vadrouiller, glaner, noter la cueillette du jour, ce qui m’est offert, ce que je peux encore comprendre. Pourquoi ne pas le consacrer à la vie plutôt qu’à la mort ? (…) Se consoler de la mort en vivant ! ».

Détail de la première de couverture.
Détail de la première de couverture.

Amélie PLUME a publié ce roman aux Éditions Zoé.

De nationalité suisse, elle partage sa vie entre Genève et le Var, en particulier près d’Hyères-les-Palmiers.

Elle nous présente un personnage principal, Lily, très attachant. Mais les personnages secondaires n’en sont pas moins parfaitement campés : Sa fille, son dernier amour Oscar, ses petits-enfants. Tout est plaisant dans ce roman et, comme Amélie Plume en a écrit une douzaine d’autres environ, on n’a qu’une seule envie : les lire !

Pour tout savoir sur les Editions Zoe, suivez le lien suivant :

http://www.editionszoe.ch/

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